Le job crafting ou modélisation de poste consiste à l’adapter progressivement, pour dépasser les limites de la fiche de poste. L’objectif : le rendre plus satisfaisant pour l’employé qui y travaille au quotidien. Les salariés façonnent donc les tâches en se basant sur ce qu’ils estiment être plus importants et plus efficaces. Ils donnent du sens à leur vie professionnelle. Ils modifient leurs tâches au fur et à mesure de leur familiarisation avec le poste en question. Bonne pratique ou tendance fallacieuse ? Les statistiques semblent être formelles : 92 % des job crafteurs ont 29 % moins de stress et affiche une hausse de leur niveau de satisfaction par rapport à leur travail (source : Etude 2020 du MIT Sloan School of Management). À condition de bien s’y prendre au niveau managérial. Comprendre toutes les facettes du job crafting est donc actuellement important.
Pourquoi s’intéresser au job crafting aujourd’hui ?
Le job crafting est une pratique qui a toujours existé. Il est souvent inconscient. Il a toutefois été ramené dans le conscient du monde des ressources humaines depuis les années 2000 et a été théorisé à cet effet. Pourquoi ? Parce que la modélisation de poste s’est avérée être une solution efficace pour contrer le burn-out au travail, le bore-out et la démission silencieuse. Il s’inscrit dans une pratique plus générale de management collaboratif, favorisant l’autonomie de chaque collaborateur et la prise d’initiative.
L’objectif : permettre au salarié de modéliser leur poste pour un travail sur-mesure, plus impliquant, plus motivant et in fine, plus efficace et plus productif. Le job crafting apparaît aussi comme une solution pour privilégier l’épanouissement et bien-être au travail du salarié, améliorer son expérience collaborateur, le fidéliser et le rendre heureux au travail.
En effet, le salarié doit d’abord comprendre l’étendue de son poste, avant de pouvoir le crafter. Le fait qu’il connaisse aussi bien son travail est déjà un premier pas vers la productivité. De plus, le permettre de remodeler le poste peut offrir des pistes de solution aux managers face à des problèmes qu’ils ne peuvent pas résoudre. Un employé est le mieux placé pour adapter et optimiser ses tâches au quotidien. Les réponses aux problèmes managériaux se trouvent, dans bien des cas, à leurs niveaux. Enfin, la modélisation de poste permet de personnaliser l’expérience collaborateur d’un salarié. Elle favorise le plein usage de ses talents et fait du salarié, un partenaire, voire le déclencheur de l’évolution d’une entreprise. Un salarié qui aime et qui est satisfait de son travail sera moins susceptible de démissionner, car professionnellement épanoui.
Comment le job crafting marche-t-il ?
Tous les postes peuvent être modélisés à l’image du salarié, d’une manière ou d’une autre. Il n’y a que la marge de crafting qui est variable : les postes mécaniques dans une chaîne de travail offrent moins de liberté qu’un poste de bureau. D’une manière générale, le job crafting se fait en modifiant la nature des tâches à effectuer, en donnant un sens au travail ou en prenant pour base les relations au travail.
1. Par la modification de la nature des tâches quotidiennes
Premièrement, le salarié fait du job crafting lorsqu’il change la nature de ses tâches quotidiennes, sa méthodologie pour les faire, leur quantité et leur typologie.
Par exemple, un comptable en fait déjà lorsqu’au lieu de tenir une comptabilité physique, il passe à la comptabilité en ligne. Il peut aussi suggérer l’utilisation de logiciels automatiques pour effectuer certaines tâches qui lui étaient dévolues par la fiche de poste. Se libérant ainsi de certaines activités mécaniques, il entreprend de faire d’autres choses, dépassant la limite de sa fiche de poste. Il se propose alors de fournir régulièrement des synthèses par compte pour tous les autres départements (synthèse du compte fournisseur au département de l’approvisionnement, synthèse du compte client au département commercial, etc.). Suggérer une méthode collaborative de faire de la comptabilité est aussi du job crafting. Le comptable met à la disposition de tous les départements un outil pour insérer leurs données. Le travail de saisie comptable est alors fait une seule fois, au lieu d’être reporté au service comptable pour une saisie de leur part.
2. Par la transformation de la perception du travail à faire
Deuxièmement, le job crafting consiste aussi à modifier la perception que le salarié a, par rapport au travail à effectuer. Il peut être question de donner du sens à un travail qui est ennuyeux au premier abord ou encore, de se focaliser sur les éléments plus gratifiants de la fiche de poste. Au final, le salarié sera plus motivé, en regardant son travail sous un autre angle, sans modifier d’aucune manière la nature des tâches à effectuer quotidiennement.
Il en est, par exemple, ainsi lorsqu’un livreur se concentre sur le bonheur ou la solution qu’apporte la chose qu’il va livrer (vaccins, cadeau de noël, ou même repas). Il comprend à quel point son rôle est crucial dans la chaîne de distribution. Il sera souriant, discutera avec les clients, trouvera un moyen d’arriver aux meilleures heures de livraison possible. Gamifier la vente et le travail de commercial, en mettant des défis et des récompenses à la clé, est aussi un autre moyen de modéliser un poste.
3. Par l’amélioration de la qualité des relations de travail
Enfin, il est aussi possible de faire du job crafting en rendant un travail plus passionnant, grâce à de meilleures relations de travail. Son poste devient plus intéressant, plus impliquant et plus motivant en créant et en favorisant les interactions personnelles liées au poste.
Lorsque l’infirmier se focalise sur sa relation avec les malades et sur l’appui qu’il offre, il délaisse le côté lourd de sa fiche de poste (des heures de travail difficiles, un salaire qui n’est pas toujours à la hauteur de l’effort, des tâches rédhibitoires, …). Il en est de même du développeur de site web qui, au-delà de ses tâches informatiques, multiplie ses interactions professionnelles avec les autres départements pour construire ou rénover le site web, et qui s’ouvre même au client.
Le job crafting n’est-il pas risqué pour l’entreprise ? Focus sur les conditions d’efficacité
Certains arguent que permettre la modélisation de poste signe la fin de la fiche de poste. Il n’en est rien. La fiche de poste reste la première référence. Elle pose les bases. Le crafting permet juste de ne pas s’y limiter et d’offrir une plus grande marge de manœuvre au salarié.
Ceci étant dit, n’y a-t-il aucun risque ? Le job crafting comporte toujours sa part de risque. Tout d’abord, le risque d’irresponsabilité du salarié, qui pourrait considérer qu’il n’est plus engagé vis-à-vis de sa fiche de poste et des descriptions de tâches qui y figurent. Ensuite, il y a le risque de surmenage. Le salarié travaille tellement à modéliser son poste à la hauteur de ses attentes, qu’il finit par trop stresser, à déployer trop d’efforts à vouloir tout faire et termine en burn-out. Enfin, il y a le risque d’inefficacité, c’est-à-dire que les solutions proposées par le salarié s’avèrent tout simplement inefficaces pour l’entreprise.
Tous ces cas révèlent que le job crafting doit être bien mené par le salarié et bien encadré par l’entreprise pour être productif.
Conditions d’efficacité du côté du job crafteur
Du côté du salarié, la modélisation de poste à son image doit se faire étape par étape. Il n’est pas utile de brusquer le changement. Il faut que celui-ci prenne des assises solides pour durer.
Premièrement, prendre du recul par rapport au poste est nécessaire. Cela donne le temps nécessaire à sa compréhension dans sa globalité et dans la structure horizontale et verticale par rapport au poste. En effet, quels que soient les changements envisagés, ils ne doivent pas modifier l’essence du travail, ni empiéter sur le travail d’autrui.
Ensuite, le salarié doit avoir un état d’esprit positif – positivant le sens à donner au poste, les relations de travail et en ayant un esprit ouvert, pour une éventuelle modification de tâche.
Il doit, en outre, analyser le poste et le confronter à sa personnalité avant de faire du crafting. Quel élément du poste souhaite-t-il modifier ? Quels sont les éléments de son expérience professionnelle, de ses valeurs, de sa personnalité, qui permettraient de modifier la situation ? Comment mettre en œuvre le changement, pour qu’il soit viable ?
Enfin, le salarié doit obligatoirement échanger avec ses collaborateurs et surtout, sa hiérarchie. Les modifications substantielles doivent être autorisées. Celles qui sont mineures doivent avoir l’approbation et le soutien des supérieurs, pour parvenir à une productivité réelle.
Conditions d’efficacité du côté de l’entreprise et des managers
Le job crafting n’est pas fait pour tous les environnements. Face à un manager control-freak, c’est-à-dire celui qui aime avoir le contrôle sur tout, le job crafting fera plus de mal que de bien. De même, face à un salarié qui n’a aucune envie d’améliorer les conditions de son poste, toute tentative serait vaine. La modélisation doit venir du salarié et non de l’entreprise. Par contre, le rôle de l’entreprise est de :
Permettre le job crafting est donc un moyen de flexibiliser la fiche de poste, pour davantage de productivité.
Néanmoins, la capacité de modélisation de poste n’est pas donnée à tout le monde. Il faut – en amont du process, recruter un talent proactif et dynamique, qui veuille changer les choses pour les améliorer. A la base, il faut ainsi un recrutement de qualité.