Entretien : comment marquer les esprits avec un storytelling réussi ?

Publié le 13 juin 2022

Qu’est-ce qui rend un candidat mémorable ? Un recruteur voit parfois une dizaine de prétendants pour le même poste.

Ceux dont on se souvient n’ont pas forcément un parcours exceptionnel ou une liste de qualités à faire rougir le Bachelor. Mais ceux dont on se souvient… sont ceux qui savent raconter les meilleures histoires !

Les histoires sont la plus ancienne forme de transmission. Lorsqu’elles sont personnelles, elles deviennent un moyen de communication extrêmement puissant. Alors, comment se servir de vos meilleures expériences, anecdotes et péripéties en entretien de recrutement ?

Mais aussi, comment bien les raconter pour capter l’attention de votre recruteur ?

Décryptage et conseils.

Etre narrateur de son histoire: “couteau suisse” de l’entretien

Convaincre, émouvoir, inspirer, engager, se démarquer… une bonne histoire a des dizaines de facettes et peut répondre à autant d’objectifs…

1 – Pour illustrer ses qualités

Vous pensez être travailleur, créatif et avoir un bon esprit d’analyse ? Les dix candidats avant vous aussi. Mais une histoire peut apporter la preuve concrète de ce que vous avancez. « Mes parents travaillent dans la restauration et je les ai aidés très jeune, raconte Kevin, Développeur web. Je raconte souvent comment j’enchaînais les journées de cours avec les services le soir, le week-end, pendant les vacances ou périodes d’examen. C’est ma façon de prouver que je sais travailler dur et relever les manches quand c’est nécessaire. »

2 – Pour créer une connexion avec le recruteur

Raconter une histoire personnelle, c’est aussi un bon moyen de se rapprocher de son interlocuteur. « Longtemps, je me suis arrangé pour glisser l’histoire de mon « marathon de l’enfer » en Asie, sous 30°, chaussé d’une paire de Stan Smith, raconte avec humour Christophe, responsable marketing. J’en rajoute un peu et je joue la carte de l’humour pour détendre l’ambiance. Ça me permet évidemment de montrer que je n’ai pas peur des défis. Mais ça m’aide surtout à créer un lien avec le recruteur. Il y a tellement de marathoniens et de joggeurs du dimanche … j’optimise mes chances de faire mouche !

3 – Pour casser la « première impression » ou les préjugés de départ

On dit que l’on se fait une opinion d’une personne en quelques secondes seulement. Raconter une anecdote peut vous aider à trancher avec l’image que vous renvoyez. « Quand j’étais étudiant, je faisais le ménage dans les entreprises la nuit, partage Bastien, contrôleur financier. Je raconte souvent cette expérience pour montrer qu’au-delà de l’image du « mec en costard et très sûr de lui », j’ai aussi de l’humilité et que je sais ce que c’est de me lever à 4 heures du matin pour nettoyer les toilettes. ».

Les ingrédients d’une bonne histoire

Le scientifique Paul J. Zak s’est intéressé au pouvoir des histoires sur le cerveau. Ses recherches montrent qu’une bonne histoire déclenche la production de deux hormones : le cortisol, qui permet au cerveau de rester alerte, et l’ocytocine, l’hormone de l’empathie et du bien-être. Une bonne histoire capte l’attention de l’interlocuteur et crée une connexion avec lui. Mais concrètement, comment choisir l’histoire qui déclenchera ce joyeux cocktail d’hormones ?

1 – Une histoire qui respecte la « loi de proximité »

La « loi de proximité » est couramment utilisée par les médias pour capter l’attention de leur public. Elle traduit le fait que l’on accorde plus d’importance à une histoire « proche » géographiquement, chronologiquement ou d’un point de vue affectif.

2 – Une histoire « passerelle » qui fait sens avec votre entretien

Une bonne anecdote doit refléter une valeur, une morale ou un message utile au poste auquel vous candidatez. Mais également être cohérent avec la culture de l’entreprise. Trouvez les points d’achoppements qui permettent de croiser votre histoire professionnelle/personnelle avec celle du poste ou de l’entreprise.

3 – Une histoire qui vous met en valeur

Certes, vous souhaitez que votre interlocuteur se souvienne de vous… mais pas à n’importe quel prix. Évitez les anecdotes grivoises, qui sont rarement les bienvenues. Et si votre histoire met en lumière un échec que vous avez vécu, pensez à mettre l’accent sur les leçons que vous en avez tirées.

Comment choisir la “bonne” histoire pour évoquer un échec?

Tout le monde fait des erreurs. Mais le plus difficile, c’est de créer une histoire autour de l’échec qui met en évidence vos ressources ou vos soft skills. Car le but n’est évidemment pas de rester sur un revers mais bien de montrer que vous vous en êtes sorti.

Choisissez un échec réel et ne soyez pas prétentieux. Les exemples tels que : « En tant qu’ingénieur commercial, je n’ai augmenté les ventes que de 30% mais comme je visais plus haut, j’ai eu l’impression d’échouer. C’est mon côté perfectionniste », sont à éviter.

Ce n’est pas non plus le moment de confesser vos pires secrets. Ne choisissez pas un échec qui est le résultat d’une grave erreur personnelle (comme envoyer un mail rempli d’informations confidentielles sur votre boîte à tous vos contacts).

Concentrez-vous sur la “morale” de l’histoire. Il vous faut choisir une histoire qui dit quelque chose de vous. Une leçon que vous avez apprise. Dans l’idéal vous devez montrer que cet échec vous a permis d’acquérir plus d’expérience et de nouvelles compétences : un objectif non atteint, une erreur d’orientation, un projet avorté, une période d’essai non renouvelée, un manque de fermeté envers son équipe, etc. ?

Comment raconter son histoire ?

Pour bien se préparer, le plus simple est de s’appuyer sur une méthode très populaire dans les entretiens : la méthode STAR. Elle vous permettra de décrire en quelques phrases chacun des aspects clés de votre histoire et de répondre correctement à ce qu’attendent les recruteurs.

S pour Situation

Il s’agit ici de planter le décor, c’est-à-dire de donner l’aperçu du projet ou de la situation. Soyez concis et donnez seulement assez d’informations contextuelles. Ne vous attardez pas car l’accent doit être mis sur les phases suivantes dans lesquelles vous expliquer comment vous avez rebondi. Vous pouvez expliquer à quelle période l’histoire se déroule, où vous travailliez à ce moment-là, etc.

T pour Tâche

Ensuite, vient le moment d’expliquer votre rôle : quelle était votre situation, votre poste, vos objectifs ? Il est temps de vous situer dans l’histoire. Pour l’instant, cela pourrait donner quelque chose comme ça : « Je dirais que mon plus grand échec professionnel a été la perte d’un contrat important avec un client lorsque j’étais responsable de projet chez … »

A pour Action

Maintenant, il faut rentrer dans le vif du sujet et expliquer l’action qui a entraîné l’échec : « Le plus gros problème, c’est que nous tenions ce projet pour acquis. Nous avions une relation privilégiée avec le client avec qui nous avions déjà collaboré. Avec le recul nous n’avons pas fait d’effort supplémentaire pour les impressionner. Cela a permis à un concurrent plus impliqué de remporter le projet. J’étais en charge de la réponse à cet appel d’offre je n’ai pas su proposer une réponse innovante. »

Ainsi, vous présenterez une analyse perspicace et concise de ce qu’il s’est passé. Il y a suffisamment de détails pour montrer que vous avez déjà passé à la loupe les causes de l’échec et pensé à votre responsabilité dans cette histoire.

R pour Résultats

Comme dans toutes les belles histoires, la fin de la vôtre est une fin heureuse. On évite malgré tout une fin à la Disney type « J’ai réussi à faire changer d’avis le client et il a signé avec nous. » Vous devez décrire l’issue positive de votre échec à force de remise en question et d’apprentissage, pas grâce à l’intervention d’une bonne fée.

« La perte de ce client a été un coup dur pour mon entreprise. D’un point de vue financier mais aussi pour le moral de l’équipe. J’ai pris l’initiative d’analyser ce qui s’était passé et ce que nous pouvions faire mieux. Le premier enseignement a été de ne jamais rien prendre pour acquis et de toujours chercher à faire mieux que ce qui est demandé. J’ai instauré des nouveaux process pour innover et j’ai emmené mon équipe à une journée de formation animée par un coach spécialisé. Peu après nous avons remporté un nouveau contrat et ce grâce à l’ensemble du travail que nous avions fait suite au dernier échec. »

Vous montrez ce qu’il s’est passé et les conséquences pour vous, votre équipe et l’entreprise. Cela montre que vous avez le recul et la maturité nécessaire pour réussir si une situation comme celle-ci se représente.

Ne rejetez jamais la faute sur les autres

Même si raconter ses échecs peut être délicat, n’oubliez pas qu’il s’agit aussi d’une belle occasion pour créer du lien avec le recruteur. Contrairement à ce que vous pouvez penser, vous ne passerez pas pour un candidat “faible” ou “incompétent”, mais pour quelqu’un d’humain, qui a ses failles et qui se trompe parfois. Un candidat trop parfait : c’est louche !

Si vous n’avez pas réussi à atteindre vos objectifs dans votre ancienne entreprise, c’est à cause de votre boss qui ne prenait jamais le temps de faire des points avec vous pour vous guider ? Le recruteur n’a pas besoin de le savoir ! Rejeter la faute sur vos collègues, votre boss ou votre maman ne vous aidera pas à susciter l’intérêt du recruteur, au contraire, cela pourrait même le refroidir ! Vous passerez pour un collaborateur qui n’accepte pas ses responsabilités et qui ne se remet jamais en question. Pas top pour démontrer son esprit d’équipe !

Et après ?

Vous avez raconté votre échec et la leçon que vous en avez tirée ? Super ! Maintenant, inutile de s’éterniser. Même si parler de ses échecs est de plus en plus encouragé, mieux vaut rebondir sur des sujets plus positifs ! Sinon, vous pouvez carrément retourner la situation et sonder le recruteur quant à sa philosophie vis-à-vis de l’échec : comment est-ce accepté dans cette entreprise ? La prise de risque est-elle encouragée ? Eh oui, il n’y a pas de raison que vous soyez le seul à devoir vous montrer vulnérable !

Le « Story telling » : quel moment-clé pour l’utiliser ?

Il était une fois… l’Art de bien raconter son histoire.

Lors de l’entretien de recrutement et après la phase habituelle d’introduction, il arrive que l’employeur vous demande de présenter votre parcours professionnel. Exercice difficile qui consiste à opérer un véritable « Pitch autobiographique » où la maîtrise du « storytelling » prend tout son sens !

Comme souvent à cette étape, le candidat se perd en long monologue, dans la narration souvent trop détaillée de sa vie professionnelle : cruelle erreur à ce stade vu que la narration d’un parcours professionnel se doit avant tout « compacte » et « impactante ».

Il s’agit donc de raconter votre histoire en mode antéchronologique, en se centrant sur l’essentiel, et avec une certaine habileté, susciter l’envie d’en savoir plus (on parle de « teasing ») pour que le recruteur ait envie de vous poser des questions.

Gardez en tête qu’un « Pitch autobiolographique » consiste à raconter votre parcours en 8 minutes maximum, sans quoi le recruteur risque de perdre le fil de votre narration et tout simplement de « décrocher ».

Astuces et exemples :

Partez de votre expérience académique/formation et remonter chacune des expériences professionnelles de la plus ancienne à la plus récente.

Concernant l’expérience académique : préparez des phrases simples, en étant à la fois explicite et synthétique. Argumentez et motivez vos choix en mentionnant des dates ou des périodes pour créer des effets narratifs de transition entre chaque étape.

“Après l’obtention de mon BAC en 2000, désireux de m’orienter vers un métier orienté sur le contact avec les autres, j’ai directement fait le choix d’une formation de type BTS commercial qui, après obtention, m’a naturellement amené à professionnaliser mon attait pour la vente et le marketing en intégrant par équivalence une Ecole de commerce en 2003”.

Concernant sur les étapes du parcours professionnel : mêmes conseils que précédemment dans la mesure où il faut s’obliger encore une fois à être synthétique pour créer une forme de “cadence” qui offrira la tonicité nécessaire à votre “Story telling”. En l’occurrence, il est conseillé pour chaque expérience, de mentionner : le poste occupé en mentionnant la structure et son activité, s’astreindre à décrire la mission occupée en 3 phrases maximum qui résument l’ADN de votre fonction dans l’entreprise. Puis d’y adjoindre 3 résultats/réalisations significatifs qui valorisent votre expérience. Clarifier la transition voire le motif de départ pour parler de la fonction suivante et ainsi de suite jusqu’au dernier poste occupé.

“Mon premier poste occupé fut d’être Ingénieur commercial en 2004 juste après l’obtention de mon diplôme, au sein d’un négoce en matériaux de construction qui distribuait une gamme variée destinée aux professionnels du batîment et des travaux publics.

Mission 1 : “Mon quotidien consistait d’une part à prospecter une clientèle d’artisans, mais aussi de chefs de chantiers ou conducteurs de travaux sur une zone géographique constituée de 4 départements. Par ailleurs, j’avais un portefeuille de clients existants que je devais fidéliser en vue de développer les ventes et je devais atteindre un objectif de CA et marge”.

Résultat : “Après 3 belles années dans cette structure, j’ai non seulement consolidé le CA de départ mais pu faire progresser les ventes sur mon secteur de 20% en moyenne sur la période. Grâce à ma tenacité et mon relationnel, j’ai accru mon portefeuille client de 30%”.

Transition de départ : Face à de tels résultats, une structure concurrente m’a proposé de les rejoindre comme Commercial Comptes Clés, ce qui constituait une véritable opportunité d’évolution en responsabilité mais aussi en salaire.

Mission 2 : “C’est la raison pour laquelle en 2006, j’intégrais la société ….. qui me proposa le challenge de développer des référencements et accords cadres majeurs sur la base d’une liste de comptes clés du BTP.

Résultat 2 + transition de départ : “Ce choix ne me fit pas mentir car pendant les 4 années suivantes, je dépassais mes objectifs avec les félicitations de mon Directeur commercial qui me nomma chef de ventes…..” et ainsi de suite….

En restant “calé.e” sur cette méthodologie, vous parviendrez à raconter votre vie comme une vraie Histoire avec fluidité, sans dépasser les 8 minutes requises pour l’exercice délicat du “Pitch auto-biographique” !

Alors préparez vos histoires, vos narrations et vos formulations pour que l’on retienne que vous êtes un super Héros et que le futur talent que l’entreprise que vous visez et qui vous accueillera, ce soit vous, et pas un.e autre !